Chevalier de la Barre commémoration 9 décembre 2018

En préparant cette commémoration, nous n’imaginions pas à quel point cette année, cette journée serait marquée par l’actualité. Les récents évènements témoignent de la gravité de la rupture sociale et culturelle et de la nécessité de promouvoir la République laïque et sociale.

Déjà en 1875 dans « le Droit et la Loi » Victor Hugo énonçait :

La formule républicaine a su admirablement ce qu’elle disait et ce qu’elle faisait ; la gradation est irréprochable. Liberté, Égalité, Fraternité. Rien à ajouter, rien à retrancher. Ce sont là les trois marches du perron suprême. La liberté, c’est le droit, l’égalité, c’est le fait, la fraternité, c’est le devoir. Tout l’homme est là…
Les heureux doivent avoir pour malheur les malheureux ; l’égoïsme social est un commencement de sépulcre ; voulons nous vivre, mêlons nos cœurs, et soyons l’immense genre humain…
Tout ce qui souffre accuse, tout ce qui pleure dans l’individu saigne dans la société, personne n’est tout seul, toutes les fibres vivantes travaillent ensemble et se confondent, les petits doivent être sacrés aux grands, et c’est du droit de tous les faibles que se compose le devoir de tous les forts. J’ai dit. »

L’écrivain croyait dans un monde meilleur et nous, peut être avons-nous baissé la garde, manqué de vigilance, rien n’est jamais acquis, nous devons constater que notre République est en danger, les inégalités sont flagrantes. Les progrès scientifiques et techniques bien que pouvant contribuer à ce monde meilleur ne bénéficient malheureusement pas à l’humanité dans son ensemble et participent trop souvent à la destruction de l’environnement.

Si les motifs des différentes colères qui animent ceux que l’on nomme « les gilets jaunes » n’ont à priori aucun rapport avec la question de la laïcité, cette dernière et l’organisation sociale qu’elle implique n’est dans ce contexte de violence que plus indispensable.

Car la laïcité constitue le socle d’une société qui rassemble les individus au delà de leurs différences notamment par le biais de l’école républicaine.

Liberté, Egalité Fraternité, nous FM, nous ajoutons en ce moment fréquemment à ce triptyque laïcité, comme pour souligner la nécessité de ce lien pour maintenir la République.

Très récemment, nous avons appris par une fuite dans la presse que notre Président envisageait d’adapter la loi de séparation des églises et de l’État. Afin de mieux intégrer, l’islam à la République.

Sans nul doute, l’islamisme politique, les intégrismes religieux, les revendications communautaristes portent atteinte à la laïcité et à la République, il faut en tenir compte, mais est il nécessaire pour cela de modifier la loi de 1905 ?

En 1905, l’Eglise s’est farouchement opposée à cette loi pour laquelle Jean Jaurès et Aristide Briand ont dû négocier difficilement et vigoureusement, il faut rappeler que tous les élus qui l’avaient approuvée ont été excommuniés.

Nous sommes inquiets, car de toutes parts, il y a rupture de l’égalité, il ne saurait y avoir dans notre République Une et Indivisible des citoyens considérés différemment selon leurs origines ou leurs croyances.

Nous refusons les propositions qui nous invitent à enfermer chaque citoyen dans une communauté. La fracture sociale à laquelle nous assistons divise les partis et les associations. Ainsi que l’a formulé Régis Debray, cette idée de droit à la différence qui peut sembler généreuse, débouche inéluctablement sur la différence des droits.

L’égalité des droits, la liberté que nous défendons passe en premier lieu par l’école qui devrait être la même pour tous et qui en est un enjeu majeur, il y a encore de trop nombreuses communes sans école publique (jusqu’à 30% dans certains départements) , l’Eglise n’a jamais renoncé à son désir de former les consciences et à reprendre ses pouvoirs perdus, en un siècle de nombreux reculs de la loi de 1905 ont été voté par différents gouvernements de toutes tendances, arrivant ainsi progressivement de nos jours, au financement des écoles privées par les finances publiques, ainsi qu’à la reconnaissance des diplômes délivrés par les universités catholiques.

Permettre que de tels glissements puisse également se produire pour tous les cultes présents sur le territoire n’est en rien un progressisme.

Depuis 2002, de nombreux rapports établis ont souligné l’accroissement des inégalités et les tensions grandissantes dues aux revendications communautaristes comme, par exemple, le rapport Obin en 2004. Toutefois les différents gouvernements n’en n’ont pas tenu compte.

Les rapports PISA établis tous les 3 ans sur le niveau scolaire des enfants de l’OCDE montrent encore en 2015, que les origines sociales pèsent sur la réussite scolaire. En France, « la relation entre performance et milieu socio-économique des élèves est l’une des plus fortes ». En d’autres termes, plus on vient d’un milieu défavorisé en France, moins on a de chances de réussir à l’évaluation.

C’est un fait, l’école de notre République ne parvient plus à participer à l’égalité des citoyens.

Ces disfonctionnements amènent de nombreuses familles à choisir de se regrouper au sein d’une école privée aggravant ainsi les inégalités.

L’école reflète les dérives communautaires.

En 2018, de nouvelles enquêtes témoignent de l’aggravation de la situation. Celle réalisée par l’institut Ipsos révèle qu’en « zone sensible » un enseignant sur deux témoigne d’atteintes au principe de laïcité, 54% témoignent de la remise en cause des contenus des matières enseignées, 30% concèdent qu’ils pratiquent l’autocensure et 63% déclarent être témoins de préjugés antisémites.

Le sondage réalisé pour le CNAL indique que 59% des enseignants estiment que la laïcité est en danger. Ce chiffre atteint 72% pour la moyenne des Français

Dans le même temps, l’État et les pouvoirs locaux se sont mis à financer des associations dites culturelles qui sont souvent le faux-nez d’associations cultuelles. Il s’agissait souvent de négocier la paix sociale dans des cités explosives.

La réalité semble ne pas pouvoir ou ne pas vouloir être perçue.

Dans son discours de Latran le Président Sarkozy a évoqué « les racines essentiellement chrétiennes de la France » et a déclaré que «  l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé dans l’apprentissage du bien et du mal », dans le discours des Bernardins la formule du président Macron souhaitant « restaurer le lien abîmé entre l’Église et la République » avait suscité l’inquiétude des défenseurs de la laïcité.

Le projet de révision de la loi de séparation, s’il devait se confirmer, contribuerait à abîmer le lien entre la République et la laïcité.

Nous devons nous engager pour combattre les inégalités en défendant la laïcité.

Les discours populistes où, sous couvert de défense des intérêts des citoyens de notre pays sont mises en avant nos racines catholiques sous tendent un véritable détournement de la laïcité qui génère haine et rejet des étrangers en général et particulièrement des musulmans.

Les Francs Maçons doivent montrer l’exemple : nous devons nous impliquer dans la promotion de solutions humanistes, sociales et laïques.

Cette journée du 9 décembre célébrant l’anniversaire de la loi de 1905 est pour nous l’occasion de nous pencher sur l’importance d’une stricte la séparation entre compétences étatiques et activités cultuelles, la Laïcité, celle qui est garante de l’unité et de notre devise républicaine Liberté Egalité Fraternité ne peut être conçue que comme cela.

J’ai dit.

 

Patricia Rossignol

Grand Maitre